Prem’s !
On le sait, la France est assez championne pour bomber le torse à la moindre création. Mais ce qui est le plus hillarant (si ce n’était pathétique) est de voir partout des acteurs s’enorgueillir de leur priorité (le 1er machin en la matière…). Et ce dans n’importe quel domaine. C’est risible oui, parce que souvent faux.
Pour une même démarche, on peut avoir plusieurs « premiers »… L’art de tirer la couverture à soi est une culture très française (dans d’autres pays comme l’Italie, cela se rencontre aussi). Or, d’autres font les mêmes choses depuis longtemps sans le crier sur les toits et en toute humilité ; ceci est d’autant plus à leur honneur qu’ils sont souvent les pionniers. Je pense notamment à l’Allemagne et ses énergies alternatives.
Comment informer en faisant croire
Ce sujet m’est venu alors que j’ai vu passer un tweet renvoyant à un article des Échos : « Premier parc tertiaire à énergie positive « . Ce parc se situe en région PACA. En lisant ce titre, je me suis dis : c’est bizarre, depuis le temps, ce type de réalisation ne sort de terre que maintenant ? Comme je suis curieuse de nature, il m’a suffit de quelques clics pour découvrir l’historique des parcs tertiaires construits sur ce modèle.
Voici ce que l’on trouve :
- Sunstone
- arteparc
- premier-parc-tertiaire-bois-a-energie-positive
- woopa-sera-t-il-le-premier-immeuble-tertiaire-reellement-a-energie-positive
En fait, il serait plus modeste d’ajouter simplement la localisation, dans le titre principal : « premier parc tertiaire à énergie positive de tel département, ou de telle agglomération »… Surtout, ce serait plus juste. Car ici, deux projets se font apparemment la course. Et dans les années à venir, il est probable que d’autres voient le jour, poussés (enfin !) par des directives.
Néanmoins, dans le cas d’un véritable « parc » tertiaire dans son entier, et après recherches, il semblerait que celui dont parle Les Échos, soit effectivement une première, du moins en France…
Et c’est ce qui me choque le plus d’ailleurs. Malheureusement oui, c’est le premier… Je veux dire par là que je pensais qu’il en existait déjà depuis longtemps !! Nous sommes en 2014… Cela fait plus de vingt ans que l’on parle du concept (de l’oxymore plutôt) de « développement durable ».
Voici un article datant de 2007 (il y a donc sept ans), sur le sujet des bâtiments à énergie positives, pour les bureaux.
Il est hélas connu qu’en France, la vitesse de mise en pratique est proportionnelle à la VOLONTÉ (politique). Volonté elle-même sous-tendue par une multitude d’enjeux qui tous, bien sûr, passent avant la santé des citoyens.
Ajoutons à cela, qu’en cas de volonté de bâtir propre, sain et économique en énergie, les projets ont du mal à se réaliser tout simplement par manque de main d’œuvre qualifiée !
Quant à cette notion de premier, même s’il ne s’agit pas de parc entier, voici plusieurs années que des bâtiments à vocation professionnelle, ont vu le jour sur un mode moins dévorant en énergie (BEPOS). Là aussi d’ailleurs on a souvent vu des titres vantant la primauté… :
- http://www.seturec.fr/le-255-batiment-tertiaire-energie-positive-reproductible
- http://www.auto-consommation.fr/le-premier-batiment-tertiaire-de-france-a-energie-positive-en-autoconsommation
- http://bit.ly/1enRAan
- http://b2b-energies.ubigreen.com/actualites/cite-environnement-avant-garde-batiments-tertiaires
- http://www.gpso-energie.fr/sites/default/files/FT_Green-Office_web.pdf
Bien sûr, on n’arrive pas à la cheville des Allemands (ou même des Danois) qui ont démarré il y a plus de trente ans… Combien de fois d’ailleurs, ai-je entendu que le BTP devait aller chercher des ouvriers allemands, mieux formés aux alternatives, pour travailler sur un projet français…
Et que dire de ce commentaire d’internaute, repéré en ligne ? :
« Lorsque les Allemands auront réalisé leur projet d’importation de production d’énergie solaire d’Afrique sub-saharienne, alors tous les bâtiments allemands seront à énergie positive (y compris les plus anciens). »
La France, sera-t-elle toujours à la ramasse ?
Rassurez-vous, pour toutes les autres nouvelles réalisations, notamment dans le cadre d’une hypothétique transition écologique, le « cocorico » est aussi de rigueur. Ce fut le cas pour les éoliennes (rappelez-vous de ces maires posant pour le journal local, fiers d’avoir planté une petite éolienne sur leur commune, pensant que cela suffirait à mériter l’étiquette d’Agenda 21)… Aujourd’hui ça marche même pour les territoires à énergie positive (TEPOS)… Ouf, on est rassuré (humour).
Or, sur le plan de l’environnement, le retard est si énorme, le chantier si gigantesque, que ces Rustines sont assez pathétiques, qui plus est quand elles sont mises en avant avec le sourire comme pour une première, sous-entendu, oui c’est nous le premiers ! Personnellement, je me cacherais plutôt de honte, compte tenu que la démarche aurait dû être faite depuis belle lurette, et qu’elle est surtout disproportionnée par rapport à ce qui devrait être fait.
Mais l’aspect nombriliste est finalement anodin car, plus sérieusement, la vraie problématique française se situe dans la formation de la main d’œuvre qualifiée, dans le secteur des énergies renouvelables, du green BTP, et plus généralement dans celui de l’hypothétique transition écologique. À ce sujet, rien n’a été pensé, sauf depuis ces dernières années, mais avec tellement de retard…
Il faut bien comprendre que la France n’est pas « prem’s » en grand-chose. En raison notamment de décisions catastrophiques, ou plutôt de non-décisions ayant entraîné ce que l’on vit aujourd’hui en termes de boomerang…
La liste est longue, et chaque problématique ne sort dans les médias que par intermittence, lorsque tout à coup elle touche de près au confort des habitants…
L’exemple le plus « visible », et pourtant prévisible depuis plus de quarante ans étant bel et bien celui de la pollution de l’air, induite notamment par les particules fines – qui n’est d’ailleurs pas seulement l’apanage des grandes villes, ni issue uniquement du diesel…
Mais qui, il faut bien le dire, est tout de même une mise en danger de la vie d’autrui, de notre santé, liée à des motivations économique et politique, cumulées depuis des décennies (ce sujet sera traité ultérieurement).
Ce que j’appelle un « cocorico » (ou un médailler en chocolat) est quelqu’un qui a la capacité de s’enorgueillir pour montrer qu’il fait un effort une fois dans sa carrière, alors qu’il se fiche complètement de la vie d’un arbre, sauf s’il peut lui apporter de l’ombre en été, évidemment.